Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : oubli de corps étrangers en chirurgie, le rôle de l'IA pour accompagner les patients prédiabétiques, l'impact clinique de la qualité des transmission, réduire les prescriptions inutiles, prise en charge des AVC en Chine...
Les corps étrangers oubliés (compresses, instruments…) sont présentés depuis les années 2000 comme des événements indésirables qui "ne devraient jamais arriver" (never events).
Cette revue de littérature conduite par un chercheur Chinois de l’hôpital de Wiamen porte sur les conséquences cliniques de ces "oublis" et porte sur 37 articles publiés entre 2020 et 2024.
Au total :
En moyenne, on a eu recours à 2,33 imageries (tous types) pour identifier ces corps étrangers.
Mais en fait, ce sont seulement 32,6% des diagnostics précis qui ont été posés par imagerie contre 70,27% réalisés à vue lors d’une réintervention.
À noter aussi que la suspicion initiale de corps étranger oublié ne s’est confirmée que dans 29,73% des cas, dans les suites de l’exploration.
94,59% des patients concernés ont été réopérés une ou plusieurs fois pour ablation du corps étranger, dont 77,14% avec une chirurgie ouverte, avec une durée d’hospitalisation moyenne de 5,94 jours. Le temps moyen de diagnostic après l’intervention initiale et l’oubli de corps étranger est de 1,75 an.
Cette étude canadienne nous propose un travail longitudinal sur les plaintes concernant la cohorte nationale de tous les gynécologues-obstétriciens de la province d’Alberta entre 2003 et 2024.
Cette cohorte compte 449 gynéco-obstétriciens (59,2% de femmes, 40,8% d’hommes). Sur le total de ces praticiens, 44,8% ont reçu au moins une plainte sur cette période 2003-24.
Globalement, les gynéco-obstétriciens reçoivent plus de plaintes que leurs confrères féminins (52% vs 39,5%), avec une incidence particulière de l’appartenance communautaire des patients (0R 2,16).
Pour autant, ces différences disparaissent largement si on pondère les données pondérées (de la pathologie, de l’appartenance communautaire, de la CSP…). On ne trouve plus de différences de fréquence des plaintes selon le genre ; il reste simplement une surfréquence de plaintes pour les gynéco-obstétriciens en regard de certains profils communautaires de patientes.
Les motifs principaux des plaintes concernent le défaut d’information, le professionnalisme et l’écoute des volontés du patient (soin centré sur le patient).
Cette équipe de Baltimore aux États-Unis se propose de comparer le résultat d’un coaching fourni par une intervention sur le mode de vie exclusivement guidée par l'intelligence artificielle (IA) vs une intervention par coaching sur le mode de vie fournie par un coach humain dans le cadre du programme de prévention du diabète.
L’essai clinique randomisé porte sur 368 adultes (moyenne d’âge 58 ans, 71% de femmes) en surpoids ou obèses et prédiabétiques réparti en trois groupes :
Au total, sur une période de 1 an, 31,7% des participants randomisés orientés vers un coaching guidé par l'IA et 31,9% des participants randomisés vers un coach humain ont atteint le critère d'évaluation composite principal (perte de poids de 5%, perte de poids de 4% plus 150 minutes d'activité physique par semaine, ou réduction absolue de l'hémoglobine A1c ≥ 0,2 point de pourcentage avec un taux d'hémoglobine A1c maintenu à < 6,5 % pendant toute la durée de l'étude) à 12 mois.
Les auteurs concluent que chez les adultes prédiabétiques et en surpoids ou obèses, un programme dirigé par l'IA peut constituer une alternative viable à un programme dirigé par des coachs humains.
Les Anglais sont en avance sur le reste de l’Europe pour l’intensité de leur déficit en personnel médical et soignant.
Pour pallier ce grave déficit en généralistes, ils ont institutionaliser les consultations à distance avec les généralistes, et créé ou étendu les prérogatives de certaines professions :
Tous sont autorisés à consulter et prescrire dans des limites fixées par la loi et sous la responsabilité de généralistes.
Cet article s’interroge sur les effets de cette extension de prérogatives sur les réseaux infirmiers publics anglais en soins primaires (community nurses). L’étude s’intéresse particulièrement à l’impact sur les soins palliatifs à domicile.
La méthode procède par focus groupe.
Ces infirmiers (public) de territoires de santé (de district en anglais) expriment essentiellement deux craintes sur le nouveau dispositif.
Les transmissions entre professionnels médicaux sont connues pour être des sources d’événements indésirables (transmissions absentes, incomplètes, trop rapides, pas au bon moment, pas avec les bonnes personnes…).
Cette équipe américaine de Birmingham en Alabama propose une revue de littérature sur les articles de langue anglaise publiés de 2008 à 2015 en se centrant sur l’impact de la qualité de ces transmissions sur le résultat clinique observé pour le patient (patient outcome).
Au total, 21 articles remplissaient les critères de qualité fixés par les auteurs pour inclusion dans la revue.
Parmi ces 21 articles :
Cette multiplicité de résultats illustre la variété des situations étudiées et le fait que chacune propose une grande variété d’interventions d’amélioration souvent simultanées. Si bien qu’il est quasiment impossible – selon les auteurs – de tirer de cette revue une vision claire et objective des interventions qui améliorent les transmissions pour ce qui est de réduire réellement les risques cliniques pour le patient.
Les auteurs encouragent à reprendre les recherches sur le sujet, avec le focus sur l’impact patient.
La majorité des patients chroniques ont des reconductions de prescriptions, mais la durée de ces reconductions peut notablement varier d’1 à 3 mois (dans le système anglais, on parle plutôt de 28 jours à 84 jours).
Cette étude s’interroge sur les facteurs qui conditionnent cette durée de reconduction.
L’étude est rétrospective sur les données du NHS (1 an de décembre 2018 à novembre 2019) en prenant 5 médicaments usuels :
L’étude montre que 48,5% des reconductions sont mensuelles (28 jours) et 43,5% le sont pour 2 mois (56 jours). Ces chiffres cachent une grande variation territoriale allant de 7,2% à 95% de renouvellement à 28 jours reflétant un allongement des prescriptions dans les déserts médicaux.
Le meilleur prédicteur de durée reste toutefois les modes de prescription, notamment par reconduction par télésanté plutôt associé à des renouvellements courts de 28 jours, et le caractère chronique et répétitif au long terme de la prescription plutôt associé à des renouvellements longs.
Les soins à faible valeur ajoutée (LVC Low value care) désignent les pratiques qui persistent dans le domaine des soins de santé, malgré leur inefficacité, leur inefficience ou leur nocivité.
Plusieurs facteurs déterminants de ces soins ont été identifiés mais il est nécessaire de comprendre comment ces facteurs influencent les décisions des professionnels, individuellement et collectivement, afin d'orienter leur suppression.
La méthode proposée par cette équipe d’Oxford (Royaume-Uni) procède d’une enquête menée à l'aide de vignettes présentant des scénarios médicaux hypothétiques auprès de 593 médecins généralistes suédois.
Chaque vignette variait systématiquement en fonction de facteurs tels que :
La demande des patients et une perception positive des médecins à l'égard de ces pratiques de faible valeur ajoutée sont les facteurs qui augmentent le plus la probabilité d’une telle prescription (respectivement de 14 et 13 points de pourcentage).
Lorsque cette prescription de faible valeur ajoutée est peu coûteuse ou ne prend pas beaucoup de temps, les demandes des patients augmentent encore plus la probabilité de la fournir par le médecin (+29%).
En revanche, dans les cas où le médecin exprime des preuves crédibles au patient sur l’inutilité, et est lui-même convaincu, les demandes des patients des patients baissent de 11%.
Un autre facteur favorisant ces "mauvaises prescriptions" reste la responsabilité des médecins et leur crainte de passer à côté d'une maladie grave même si là encore un travail d’information et d’éducation permet de réduire ces actes inutiles.
Dans l'ensemble, ces résultats soulignent l'importance d'améliorer les connaissances des cliniciens sur ces prescriptions inutiles, d’améliorer les outils de communication avec les patients et de promouvoir l'utilisation d'outils d'aide à la décision dans la consultation afin de réduire l'incertitude dans la prise de décision.
Étude observationnelle d’une cohorte représentative de la population pour estimer :
L’étude porte sur un total de 358 934 répondants à l'enquête sur la population active menée par l'Office national des statistiques du Royaume-Uni entre juillet 2014 et septembre 2023. Les répondants âgés de 22 ans ou moins, ou les répondants retraités âgés de 65 ans ou plus, ont été exclus.
Sur la cohorte observée, 2 772 répondants exercent actuellement la profession de médecin (0,8% des répondants). 13% des médecins étaient issus de milieux ouvriers, contre 43% des répondants non-médecins, tandis que 69% des médecins étaient issus de milieux professionnels aisés (contre 32% des non-médecins).
D'après les modèles de régression de Poisson multivariables ajustés en fonction de l'année de l'enquête, de l'année où le répondant a atteint l'âge de 18 ans, du sexe, du pays de naissance et du groupe ethnique, la probabilité d'être médecin variait considérablement en fonction du milieu socio-économique. Les personnes issues de milieux professionnels aisés sont respectivement 3 fois et 6 fois plus susceptibles de devenir médecins que celles issues de milieux intermédiaires et de milieux ouvriers (probabilité moyenne prévue : 1,6% contre 0,5% contre 0,3%).
Les répondants ayant grandi dans des foyers où le principal soutien financier était un ou deux médecins étaient de loin les plus susceptibles d’exercer la profession de médecin (15 fois plus que tous les répondants issus de milieux non médicaux - rapport de risque = 15,0, IC à 95 % : 13,4 à 16,7), et entre 3 et 100 fois plus que les autres groupes professionnels spécifiques.
Les analyses stratifiées ont suggéré que les inégalités socio-économiques étaient très stables dans le temps parmi les répondants qui ont atteint l'âge de 18 ans entre les années 1960 et 2000, puis ont montré de faibles signes d'une diminution de la diversité entre 2010 et 2018.
Les accidents vasculaires cérébraux restent l'une des principales causes de décès dans le monde, et la rapidité du traitement est déterminante pour l'issue.
Bien que la relation entre le temps et l'efficacité des soins prodigués en cas d'accident vasculaire cérébral soit bien établie, l'interaction entre les retards de traitement, la qualité des soins et les résultats cliniques reste mal caractérisée, en particulier dans les différents contextes de soins de santé.
Cette étude nationale chinoise a analysé les données de 2 875 119 hospitalisations pour accident vasculaire cérébral ischémique aigu (AVC) (2020-2024).
Après avoir stratifié les patients par quartiles de délai de traitement (Q1-Q4), les auteurs ont procédé à un appariement par score de propension afin d'équilibrer 24 covariables de base. Les patients dont le délai global se situait dans le quatrième quartile et qui recevaient des soins de mauvaise qualité ont été identifiés comme le groupe à haut risque.
Cette étude Chinoise confirme largement les données déjà acquises dans le monde occidental et pointe la difficulté de faire entrer dans la pratique réelle à grande échelle pour une nation un soin très technique contraint par le délai d’intervention.
Les États-Unis proposent à leurs citoyens relevant de la couverture médicale nationale medicare pour les patients de plus de 65 ans, une solution (avec un reste à charge différent) "tout-en-un" de couverture santé appelée couverture Medicare Advantage qui regroupent la partie A (assurance hospitalisation) et la partie B (Assurance médicale).
Ces régimes de couverture santé "tout-en-un" - souvent réunis sous l’acronyme "type C"- peuvent être aisément étendus à la partie D (médicaments) et à des prestations supplémentaires. Le choix s’accompagne d’une affiliation de la prestation à un réseau de prestataire de santé.
La couverture du régime Medicare Advantage proposée par les hôpitaux est-elle associée à de meilleurs résultats postopératoires ?
Dans cette étude transversale portant sur 560 499 admissions chirurgicales, on compare le résultat médical avec les choix des patients pour leurs régimes d’assurance santé medicare et l’utilisation de prestataires hospitaliers affiliés à ces régimes intégrés Medical Advantage.
Ces trois régimes de prestations de santé sont évidemment le reflet d’un coût de reste à charge pour l’usager (primes mensuelles à payer, variables de 2 à 9% des revenus annuels), faible pour un choix de prestations non intégrées, bien plus onéreux pour le choix intégré (même s’il y a des pondérations liées au niveau de pauvreté).
Les résultats montrent que les admissions entièrement intégrées ont présenté des taux significativement plus faibles de complications, de complications graves et de recours aux soins intensifs, ainsi qu'une durée d'hospitalisation plus courte, sans différence entre les admissions entièrement et partiellement intégrées en termes de taux de complications ou de réadmissions.
Ces résultats suggèrent que l'harmonisation des soins grâce à l'intégration entre les payeurs et les hôpitaux est associée à de meilleurs résultats postopératoires.
Le gouvernement britannique a pris plusieurs engagements successifs visant à augmenter le nombre de médecins généralistes en Angleterre.
Les auteurs proposent de vérifier ces chiffres sur le terrain par une étude comparative transversale répétée sur le nombre de médecins généralistes du NHS en Angleterre.
L'étude compare les données trimestrielles du NHS England sur les effectifs des médecins généralistes entre septembre 2015 et septembre 2024 en termes d'effectifs et d'équivalents temps plein (ETP) ; avec et sans stagiaires en médecine générale ; et par rapport à la taille de la population.
Entre septembre 2015 et septembre 2024, si l'on compte les médecins généralistes pleinement qualifiés et les stagiaires en médecine générale, on constate une augmentation de 18% (de 41 193 à 48 758) ; en revanche, si l'on ne compte que les médecins généralistes pleinement qualifiés à temps plein, on constate une baisse de 5% (de 29 364 à 27 966).
Une fois prise en compte la croissance de la population enregistrée et affiliée à un cabinet de médecine générale du NHS, la tendance en matière de médecins généralistes par habitant a varié entre une augmentation de 6% et une diminution de 15%.
La différence entre le nombre de patients par médecin généraliste varie de plus en plus d'un cabinet à l'autre* avec une fourchette comprise entre le 5e et le 95e centile de 1 204 et 4 139 patients par médecin généraliste à temps plein pleinement qualifié en 2015. En 2024, ces centiles sont passés à 1 357 et 5 559. Évidemment le temps de travail varie aussi beaucoup d’un généraliste à l’autre, et d’un âge à l’autre, rendant la correction de comptage des équivalents temps plein souvent difficile.
En conclusion, la définition des médecins généralistes, la prise en compte ou non des heures de travail et la mesure de la taille de la population utilisée ont une incidence sur l'interprétation des tendances en matière de chiffres.
L'utilisation du nombre de médecins généralistes à temps plein par habitant reflète le plus fidèlement la difficulté à faire croître le nombre de médecins généralistes.